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Le jeûne est-il une tendance ou un outil thérapeutique retrouvé?

Le jeûne est une pratique millénaire, présente dans toutes les religions et cultures d'orient et d'occident.

Le jeûne a été pratiqué à travers le temps dans un but thérapeutique et spirituel et ses bienfaits ont été identifiés de l'antiquité à nos jours.

Les premiers grands philosophes, penseurs et médecins utilisaient et préconisaient le jeûne pour prévenir et soigner des maladies multiples. Ibnou Sina (Avicenne), Platon, Aristote et Galien ont tous évoqué les vertus du jeûne. Dans la Grèce antique, les athlètes jeûnaient pour se préparer physiquement aux jeux olympiques.

Hippocrate, le père de la médecine attestait qu'on pouvait trouver des remèdes dans la nourriture mais que seul le jeûne avait des pouvoirs de guérison. 

La dimension spirituelle du jeûne est inscrite dans la condition humaine et tient une place importante dans toutes les religions.

Au-delà de ses dimensions salutaires et spirituelles, le jeûne peut avoir une valeur de pression. Gandhi qui est un emblème de la paix et du droit a pratiqué la grève de la faim comme outil de combat, en réaction aux discriminations raciales et politiques que faisaient subir les anglais aux indiens.

Les Hunza (peuple autochtone de la vallée du Cachemire) ont une longévité qui peut aller au-delà de cent-dix ans. Le climat et la géographie, rendant difficile l'agriculture, la nourriture devient rare au printemps. Plutôt que de s'apitoyer sur son sort, ce peuple mythique a instauré le jeûne en cette période de l'année.

Que se passe-t-il quand nous jeûnons ?

Le corps réagit à l'abstinence de nourriture en puisant dans les réserves graisseuses et en nettoyant l'organisme des déchets qui s'y accumulent.

Après un repas, le glucose s'élève dans le sang et l'insuline secrétée par le pancréas atteint son maximum. Une partie de ce glucose passe à l'intérieur de la cellule et sera transformée en énergie, le reste est stocké dans le muscle et le foie, sous forme de glycogène (glucide composé).

Après 24 heures de jeûne, le stock de glycogène est pratiquement épuisé. Le corps produira alors du glucose à partir de protéines ou de graisses. Ce processus s'appelle la néoglucogenèse.

Par ailleurs, deux autres hormones interviennent durant cette phase, la ghréline ''hormone de la faim'' qui stimule l'appétit et la leptine qui signale au cerveau le moment de satiété et contrôle les dépenses énergétiques.

Une équipe de l'université de Birmingham a mené une étude portant sur l'effet du jeûne sur la ghréline. Elle a comparé le taux de cette hormone pendant le jeûne à celui d'une période de prises alimentaires fréquentes. Des pics multiples sont constatés pendant les périodes de la prise alimentaire et dans les premières 24 heures de jeûne, il s'en suit une chute puis une stabilisation.

Une autre étude a relevé que ''l'hormone de la faim'' est élevée vers 9 heures du matin (après environ 14 heures de jeûne), ce qui explique le fait que beaucoup d'enfants n'ont pas faim et refusent de petit-déjeuner.

Un autre processus appelé l'autophagie est déclenché à partir de la 16ème heure de jeûne. Ce concept qui existe depuis les années 70, a été récemment développé par le Pr japonais Yoshinori Ohsumi et lui a valu le prix Nobel de médecine de l'année 2016.

L'autophagie est la dégradation de composés intracellulaires, comme les protéines abimées, les toxines, les virus et les bactéries que la cellule utilisera ultérieurement comme énergie. Ce mécanisme de décomposition des éléments défectueux intervient dans le renouvellement cellulaire, le rajeunissement et la longévité.

Une autre hormone est secrétée pendant le jeûne, il s'agit de la sérotonine. Appelée aussi hormone de la joie et de la bonne humeur, elle permet de retrouver un calme intérieur et une meilleure résistance au stress. L'esprit retrouve une plus grande clarté, la mémoire est améliorée et les performances physiques augmentées.

 

Est-il risqué de jeûner?

Le corps puise les protéines qu'il utilise comme second relais énergétique pendant le jeûne, dans le muscle. Le cœur étant un muscle, n'est-il donc pas dangereux de jeûner?

Les travaux d'Yvon Le Maho sur le Manchot Royal (pingouin de l'Antarctique) ont permis de comprendre le processus du jeûne chez ces animaux de l'extrême. Il se trouve que ce mécanisme est superposable à celui de l'homme, ce qui permet de répondre à notre question.

Le pingouin de l’Antarctique peut vivre de ses réserves 100 jours. Son organisme utilisera d'abord le glucose comme source d'énergie première, 24 heures après il puisera dans les protéines et enfin dans la masse graisseuse. Quand cette dernière est épuisée à 80%, il utilisera à nouveau les protéines et à ce stade il lui est impératif de se nourrir, sinon il meurt.   

Chez l'homme, un individu qui mesure 1m70 et pèse 70 kg, possède 15 kg de graisse. Cette quantité est suffisante pour qu'il tienne 40 jours s'il est en bonne santé, en buvant uniquement de l'eau.

Comment le jeûne a été intégré comme thérapie dans le XXème siècle?

En occident, l'introduction de la thérapie par le jeûne s'est faite grâce au Dr Otto Buchinger. 

En 1919, ce médecin officier de la marine allemande contracta une angine qui se compliqua d'un rhumatisme articulaire aigu. Il est alors totalement invalide et fut contraint à abandonner sa carrière militaire à l'âge de quarante ans. Ses médecins le condamnèrent à la chaise roulante à vie. Il décida alors de se prendre en charge et entama un jeûne sous le contrôle d'un de ses confrères. Après dix-neuf jours d'abstinence alimentaire totale, ses articulations sont redevenues mobiles et indolores et il se remit à marcher.

Cette guérison spectaculaire l'encouragea à reprendre sa pratique médicale.  Il lança la clinique Buchinger, traita d'abord des patients souffrant d'arthrose, puis élargi son établissement à d'autres pathologies comme les maladies cardiovasculaires, dermatologiques, digestives, respiratoires et allergiques. Il s'inscrit alors, dans l'histoire de la thérapie par le jeûne.

Les cliniques Buchinger existent toujours et sont dans la continuité. Récemment, une large étude a été effectuée et ses résultats ont été publiés en 2020.

Cette étude comprenait 500 participants présentant des maladies métaboliques (obésité, diabète de type 2, hyperlipidémie et hyperuricémie), des maladies inflammatoires chroniques et dégénératives (arthrose, fibromyalgie, gastrite, allergies et eczéma atopique) et des pathologies mentales et psycho nerveuses (dépression, fatigue chronique et surmenage).

De cette étude, il en ressort que 80% des patients ont répondu favorablement à cette thérapie du jeûne. On constata une amélioration des marqueurs biologiques des maladies inflammatoires et neurodégénératives, la normalisation de la glycémie, celle de la pression artérielle et une perte de poids avec notamment une réduction de la graisse abdominale. Pour beaucoup de patients le traitement médical a été interrompu.

Le Dr Otto Buchinger serait à l'origine de l'engouement des allemands pour le jeûne. Cette pratique a pris sa place dans l'arsenal thérapeutique de plusieurs hôpitaux (dont l'hôpital de la Charité à Berlin) et les cures sont remboursées par la sécurité sociale.

En URSS, dans les années 50, le Pr Nikolayev avait en charge le département de psychiatrie et les sédatifs injectables avaient remplacé la ''camisole de force''.

Il admit dans son service un patient atteint de troubles psychiatriques avec prostration à son admission et refus de toute nourriture. Il n'est alors soumis à aucune thérapie et on se contenta de le surveiller et d'observer.

Au 5ème jour de son ''jeûne", son négativisme s'atténua, au 10ème jour, il se remit à marcher et au 15ème, il prit un verre de jus de fruits laissé sur sa table de chevet, se mit à sortir se promener et reprit une vie sociale tout à fait normale.

Le Pr Nikolayev continua à traiter d'autres patients par le jeûne avec succès. Parmi les pathologies traitées on retrouve, la schizophrénie, la dépression, les phobies et les syndromes obsessionnels.

Les pouvoirs publics de l'époque sont interpelés et une compagne de vérification est lancée. Les résultats permettent de constater que le jeûne avait un effet, non seulement sur la maladie psychiatrique mais aussi sur d'autres pathologies somatiques. Sur 8000 patients traités, 70% ont répondu favorablement à cette thérapie, avec reprise d'une vie normale pour bon nombre d'entre eux.

Les résultats sont validés par l'académie des sciences et une liste des indications et contre-indications pour le traitement par le jeûne est établie. Il est alors instauré comme thérapie dans les établissements médicaux publiques.

Sur la liste des indications, on retrouve: pathologies broncho-pulmonaires, cardiovasculaires, endocriniennes, digestives, osseuses et dermatologiques.

La liste des contre-indications comprenait le cancer, le diabète de type 1, la tuberculose, l'hépatite chronique, la thrombophlébite et l'anorexie.

Durant cette dernière décennie et avec l'essor de la médecine intégrative, le jeûne thérapeutique retrouve ''ses lettres de noblesse''.

Au Canada, le Dr Jason Fung qui est un médecin néphrologue a intégré le jeûne intermittent pour traiter avec succès, l'obésité et le diabète de type 2. La gangrène est l'une des complications du diabète non équilibré dont l'issue est souvent l'amputation d'une partie du membre atteint ou de sa totalité. Le Dr Fung a pu éviter quelques amputations à ses malades grâce au jeûne intermittent. Ses livres ''The Obesity code'', ''The Diabetes code'' et ''The Cancer code'' sont des best-sellers.

Au États Unis, le jeûne thérapeutique n'est pas reconnu par les autorités sanitaires. Il peut être suggéré ou pratiqué comme thérapie par des médecins mais n'est pas remboursé par les assurances maladies. Cependant, il est largement utilisé dans le milieu des célébrités et dans la Silicone Valley et beaucoup de travaux de recherche sont par ailleurs menés.

Le jeûne et le cancer

Dans les années 70, l'hypothèse d'une alimentation riche en fibres pour prévenir le cancer était largement adoptée. Dans les années 80-90, on pensait qu'une alimentation riche en gras pouvait le générer. La dernière décennie a essayé de mettre la lumière sur les effets du jeûne sur cette maladie dont la recrudescence devient inquiétante.

Le Pr Valter Lango de l'USC (University of Southern California) à Los Angeles est un biologiste-gérontologue, spécialisé en biologie cellulaire et en génétique. Il est connu pour ses travaux sur le jeûne intermittent et son impact sur les gènes et le vieillissement cellulaire. En 2014, il publia une étude qui atteste que le jeûne fragilise les cellules cancéreuses et active un système de protection dans les cellules saines.

En février 2012, une étude expérimentale (Lee, 2012.Fasting cycles retard  growth of tumors and sensitize a range of cancer cell types to chemotherapy) est publiée. Elle évalue l'effet du jeûne sur les cellules cancéreuses chez la souris. Les résultats ont montré qu'il ralentissait la croissance des cellules cancéreuses autant que la chimiothérapie et que les deux utilisés de façon concomitante étaient plus efficaces que lorsqu'ils sont utilisés séparément. Ces mêmes résultats sont rapportés par des travaux plus récents effectués à l'Université de Gene (Italie) et publiés en avril 2017.

Les Prs Tanya Dorf et David Quinn de 'l'USC Norris Comprehensive Cancer Center'' ont mené une étude pilote, dans laquelle ils ont utilisé la méthode promue par le Pr Longo '' the fasting-mimicking diet'', qui est une diète avec un apport minimum de calories et qui agit exactement comme le jeûne. Ils ont observé que l'immunité était boostée, que la chimiothérapie augmentait en efficacité et que ses effets secondaires étaient réduits. Ils remarquèrent aussi que le jeûne de 72 heures était plus bénéfique que celui de 24 heures.

Pour confirmer la faisabilité et le bénéfice du jeûne en tant que thérapie adjuvante dans la maladie cancéreuse, de nouveaux essais cliniques s'imposent.

Il est à noter que Le jeûne thérapeutique soit toujours pratiqué sous la supervision de son médecin. Dans certaines pathologies comme l'insuffisance rénale, l'insuffisance hépatique, l'insuffisance cardiaque, les troubles du comportement alimentaire et l'amaigrissement à un stade avancé, le pronostic vital du patient peut être engagé et le jeûne est absolument contre-indiqué.

Conclusion

Le jeûne permet de contrôler des envies irrationnelles et des désirs inappropriés. C'est une voie de santé pour le corps, l'intellect et l'âme.

Dans les dernières décennies, l'espérance de vie a augmenté, avec 84 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes mais les conditions de vie moderne ont ramené la survie sans maladie à 64 ans.

Le jeûne pourrait être l'alternative qui nous permettra de vivre plus longtemps mais surtout de vieillir avec grâce et en bonne santé.

Références
  • Università degli Studi di Scienze Gastronomiche - www.unisg.it

  • Le jeûne, une nouvelle thérapie? Documentaire sur ARTE, oct.2011

  • Word's largest fasting study (2020) Buchinger Wilhelmy.

  • Clinic Buchinger Wilhelmi I The Fasting Experts - https://youtube.com/c/BuchingerWilhelmiFasting

  • The Obesity Code, paru en déc. 2015, The Diabetes Code, paru en avril 2018, The Cancer Code, paru en nov.2020

  • Raffaghello L, Safdie F, Bianchi G, Dorff T, Fontana L, Longo VD. Fasting and differencial chemotherapy protection in patients. Cell cycle (Georgetown, Tex) 2010;9:4474-6

  • Lee, 2012. Fasting cycles retard growth of tumors and sensitize a range of cancer cell types to chemotherapy. PubMed.org

  • Science et avenir, N0 820-Juin 2015-Le jeûne- Bien-être, immunité, cancer

  • www.hopkinsmedicine.org

  • Pubmed.ncbi.nim.nih.gov :''Spontaneous 24-h ghrelin secretion pattern in fasting subjects''

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